
© Save the Children Senegal
Par Roos Verstraeten
La pandémie COVID-19 et les mesures de confinement associées ont non seulement provoqué une crise sanitaire mondiale mais aussi une crise économique, qui ensemble ont eu un impact sur la sécurité alimentaire et la malnutrition dans le monde. Les estimations ont montré que la pandémie pourrait pousser 148 millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année, ce qui représente une augmentation de 20 % par rapport aux niveaux actuels (Laborde D, Martin W, et Vos R 2020). En Afrique de l’Ouest, une région déjà confrontée à des défis majeurs en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’impact de COVID-19 pourrait annuler les progrès réalisés au cours de la dernière décennie. Parmi les conséquences immédiates de la pandémie, on peut citer, par exemple, une réduction du pouvoir d’achat et de l’accès aux marchés alimentaires, la fluctuation des prix des denrées alimentaires, la perte de revenus due au chômage et la perturbation des programmes nutritionnels d’urgence (Impact of COVID-19 on Food and Nutrition Security in West and Central Africa). Partout dans le monde, les réponses ont inclus différents types de confinements, de restriction du commerce, des services et des programmes, et la mise a disposition de divers matériels de tests et de sécurité. Ces mesures ont eu des répercussions importantes au niveau individuel, social et économique. Ce spotlight rassemble une sélection de preuves publiées depuis le 1er juillet au niveau mondial et pour la région de l’Afrique de l’Ouest sur COVID-19 et son impact sur la sécurité alimentaire et la nutrition.
Impacts mondiaux
Le Réseau d’Information sur la Sécurité Alimentaire et le Réseau Mondial Contre les Crises Alimentaires ont fourni une mise à jour de leur rapport mondial 2020 sur les crises alimentaires : Analyse conjointe pour de meilleures décisions afin d’intégrer l’impact de COVID-19. Ce rapport comprend, entre autres, des estimations de l’insécurité alimentaire aiguë au Nigeria, au Burkina et au Togo, les principaux facteurs de cette insécurité, et la façon dont COVID-19 y contribue.
Un livre électronique, récemment lancé par l’IFPRI, rassemble une série de ressources présentant un tableau complet de l’impact actuel et potentiel de COVID-19 et des réponses politiques mondiales sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale. Il présente des aperçus et des analyses clés sur la manière dont la pandémie affecte la pauvreté, la sécurité alimentaire et la nutrition, le commerce alimentaire et les chaînes d’approvisionnement, le genre, l’emploi et diverses interventions politiques, ainsi que des réflexions sur la manière dont nous pouvons utiliser ces enseignements pour mieux nous préparer aux futures pandémies.
Un webinaire organisé par l’OMS, la FAO, le HCR, l’UNICEF et le PAM résume la nutrition dans le contexte de COVID-19 : qu’avons-nous appris jusqu’à présent ?
COVID-19 et son impact en Afrique de l’Ouest
Le Comité de Lutte Contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) souligne que la situation alimentaire et nutritionnelle reste critique malgré les mesures de relance des activités socio-économiques. Le Burkina Faso est confronté à une triple crise sécuritaire, sanitaire et alimentaire aggravée par la pandémie COVID-19. En conséquence, deux provinces de la région du Sahel – Oudalan et Soum – sont entrées dans la phase d’urgence de l’insécurité alimentaire (Cadre Harmonisé). En outre, plus de 535 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, un niveau sans précédent selon les données de l’UNICEF. Le SUN réitère l’appel de la FAO, du PAM et de l’UNICEF pour faire face d’urgence à cette situation nutritionnelle qui s’aggrave au Burkina Faso. Deux études, l’une au Burkina Faso et l’autre au Nigeria, fournissent des preuves sur les impacts de COVID-19 et des mesures de confinement qui y sont liées. Au Burkina Faso, une étude (travail non publié) de Gelli A. et al. a évalué son impact sur la sécurité alimentaire des ménages et sur les indicateurs de l’alimentation des femmes et des enfants et de la nutrition des enfants. L’étude comprenait une analyse longitudinale de 4 cycles d’enquête, incluant plus de mille ménages et couples mère-enfant, dans 3 régions du Burkina Faso. Au cours du 4ème cycle d’enquête, un quart de l’échantillon de l’étude a été interrogé avant le confinement d’avril, ce qui a permis d’établir des comparaisons avec les ménages interrogés après le confinement afin d’évaluer les conséquences à court terme de ce dernier. L’analyse n’a révélé aucun impact à court terme sur la sécurité alimentaire, les régimes alimentaires et les indicateurs de nutrition après le confinement d’avril 2020. Il n’y avait pas non plus de preuve d’une augmentation de l’aide sociale après le confinement, et la couverture des programmes de protection sociale était très faible. Les auteurs ont conclu que, bien qu’il n’y ait aucune preuve d’un choc majeur lié à la sécurité alimentaire au lendemain du confinement de 2020 sur les ménages ruraux du Burkina Faso, ces ménages étaient déjà aux prises avec des niveaux élevés d’insécurité alimentaire bien avant 2020 et ils n’ont pas été touchés par les programmes d’aide humanitaire. Au Nigeria, Amare M. et al. ont utilisé la variation spatiale pour quantifier les impacts des infections liées au COVID-19 et des mesures de confinement sur la sécurité alimentaire des ménages, la participation au marché du travail et les prix alimentaires locaux. Comme les analyses au niveau mondial, ils ont constaté que les ménages plus exposés à COVID-19 ou aux mesures de confinement restreignant la mobilité connaissent une augmentation significative de l’insécurité alimentaire. Alido et ses co-auteurs décrivent également un cas mortel de COVID-19 chez un nourrisson souffrant de malnutrition aiguë sévère admis dans un service pédiatrique au Niger.
Réponses par le biais des systèmes alimentaires, du secteur privé et de la protection sociale
Trois briefs ont utilisé les données du Portail COVID-19 Policy Response (CPR) pour examiner les tendances dans la manière dont les gouvernements ont réagi à COVID-19, y compris des exemples du Burkina Faso, du Ghana, du Mali, du Nigeria et du Sénégal pour la région de l’Afrique de l’Ouest. Ils font un zoom sur les systèmes alimentaires, le secteur privé et la protection sociale. Kennedy et Resnick ont évalué comment les gouvernements maintiennent le fonctionnement des systèmes alimentaires pendant COVID-19 et ont résumé la répartition des choix politiques des gouvernements et mis en évidence les domaines dans lesquels des innovations ont émergé. La synthèse de Rosenbach et Resnick intitulée Favoriser où entraver le secteur privé présente les réponses politiques gouvernementales et des initiatives commerciales pendant COVID-19. Ils ont examiné les tendances dans la manière dont ces réponses ont entravé ou encouragé le secteur privé, ainsi que le rôle du secteur privé dans la lutte contre la pandémie. Enfin, Fang et ses collègues identifient la manière d’étendre et de maintenir la protection sociale dans le cadre de COVID-19. Ils résument les modèles qui sont apparus à la suite de l’expansion des politiques de protection sociale pendant la pandémie, visant à empêcher les populations vulnérables de tomber encore plus dans la pauvreté et à soutenir le rétablissement des ménages après la pandémie.
L’Institute of Development Studies et l’IFPRI ont étudié comment améliorer les réponses des systèmes alimentaires afin qu’ils ne “laissent personne derrière” alors que nous essayons de “reconstruire en mieux” après COVID-I9. Ce document de positionnement a utilisé un concept de résilience des systèmes alimentaires et l’a complété par un angle d’économie politique qui “examine de manière critique qui est et devrait être prioritaire dans l’aide humanitaire et les interventions financées par les donateurs”. Leur cadre est très pertinent pour guider à la fois le soutien des donateurs et les réponses des gouvernements aux impacts de la crise COVID-19.
Soutien des donateurs
Au Sénégal, Nutrition International (NI) apporte son soutien au gouvernement dans sa réponse à la pandémie COVID-19. Dans deux régions vulnérables, Kédougou et Kolda, ils distribuent des kits d’hygiène et des denrées alimentaires aux ménages, dans le cadre du Projet intégré de nutrition dans les régions de Kolda et de Kédougou (PINKK). En Guinée, la sécurité alimentaire est encore plus compromise par les effets socio-économiques de COVID-19. En réponse, le Programme alimentaire mondial (PAM) fournira une aide alimentaire aux personnes dans le besoin. Le PAM a pour objectif de fournir plus de 6 000 tonnes de nourriture pour fournir des rations de maïs, de riz, de pois, d’huile et de sel, ainsi que des aliments mélangés spécialisés pour la prévention de la malnutrition chez les femmes et les jeunes enfants, comme indiqué dans son brief.
À Abidjan, en Côte d’Ivoire, une initiative conjointe du PAM, de l’ONUSIDA et de la Fondation Magic System a permis d’effectuer un transfert d’argent liquide aux ménages vulnérables pour couvrir les besoins alimentaires pendant deux mois, de fournir des kits de santé de base et des conseils en matière de nutrition pendant la pandémie COVID-19.
Le Fonds International de Développement Agricole des Nations Unies (FIDA) fournira un financement pour soutenir 210 000 ménages ruraux pauvres au Niger qui sont vulnérables aux chocs climatiques et à l’insécurité alimentaire. Compte tenu des vulnérabilités existantes dans le pays, la pandémie COVID-19 et les réponses à celle-ci constituent une véritable menace pour les moyens de subsistance. La convention de financement du projet de renforcement de la résilience des communautés rurales à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle (PRECIS) abordera les principaux problèmes d’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Niger.
Où aller ensuite ?
Un document de recherche fournit 10 recommandations aux gouvernements Africains pour assurer la sécurité alimentaire des populations pauvres et vulnérables lors de COVID-19.
Dans un commentaire du Lancet, les agents de santé communautaires sont identifiés comme un élément clé des stratégies de réponse aux pandémies pour l’Afrique : L’Afrique a besoin d’une attention sans précédent pour renforcer les systèmes de santé communautaires pendant la COVID-19.
Les Leaders Africains pour la Nutrition (ALN) ont appelé les chefs d’État et de gouvernement africains à veiller à ce que le financement de la nutrition soit inclus dans les plans d’intervention et de redressement COVID-19 de leur pays.
Conclusion
Pour conclure, nous aimerions citer Stewart et al. qui, dans un récent commentaire publié dans le Lancet, appellent les donateurs, les gouvernements et les agences de développement à reconnaître la valeur des efforts de traduction des connaissances et des mécanismes de réponse rapide pour fournir aux gouvernements les informations dont ils ont tant besoin pour prendre des décisions politiques. Ils “appellent au soutien des donateurs pour soutenir les communautés de synthèse des données probantes des pays à faible et moyen revenu (PRFM) et leurs capacités” et déclarent que “COVID-19 représente une opportunité de renforcer et d’institutionnaliser davantage la prise de décision politique fondée sur des données probantes dans les PRFM”.
Autres ressources
Consultez le portail de l’IFPRI pour ses ressources et analyses de l’impact de COVID-19 : https://www.ifpri.org/covid-19.
Lien pour la ville de Londres :
https://foodresearch.org.uk/publications/covid-19-food-policy-in-south-africa-the-first-four-months/
Les liens suivants sur COVID-19 et son impact sur la sécurité alimentaire et la nutrition :
COVID-19 : Le virus va surtout épargner les jeunes enfants ; la crise économique ne le fera pas
Références
Laborde David, Martin J et Vos R. Estimating the Poverty Impact of COVID-19 The MIRAGRODEP and POVANA frameworks 1, Juin 2020. DOI : 10.13140/RG.2.2.36562.58560