Focus sur le Burkina Faso : stratégies et actions en matière de nutrition

Par Leah Salm et Roos Verstraeten

Les composantes prioritaires pour les politiques en matière de nutrition aux niveaux national et local mises en évidence par des études récentes au Burkina Faso.

Le briefing de Transform Nutrition West Africa renforce et élargit notre compréhension de l’orientation actuelle et des conséquences des politiques relatives à la nutrition au Burkina Faso. La politique en matière de nutrition est examinée en fonction i) du contexte, des objectifs, des indicateurs, du budget et des activités dans le domaine de la nutrition ; ii) des principaux bénéficiaires, des acteurs et de la coordination, iii) du suivi, de l’évaluation et la responsabilisation, et enfin iv) de l’harmonisation des politiques actuelles avec les objectifs de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS). Nous avons constaté que la nutrition occupait une place prépondérante dans les politiques en matière de nutrition, de santé et d’agriculture/de sécurité alimentaire. Le contenu des politiques est axé principalement sur les objectifs de l’AMS concernant le retard de croissance et l’émaciation des enfants de moins de cinq ans, et les enfants et les femmes sont les groupes de bénéficiaires les plus fréquemment mentionnés. Une lacune essentielle identifiée est la nécessité d’accorder une priorité multisectorielle à la nutrition en dehors des domaines traditionnels de la santé et de l’agriculture ou de la sécurité alimentaire.

À quoi ressemble une telle collaboration multisectorielle dans la pratique ? Le Dr Ouedraogo et ses collègues dans une étude récente (Policy overview of the multisectoral nutrition planning process: The progress, challenges, and lessons learned from Burkina Faso) ont examiné de manière approfondie les étapes de l’élaboration du premier plan stratégique multisectoriel de nutrition du Burkina Faso (PSNM). Le Dr Ouedraogo a noté que « les résultats de cette étude contribuent à une meilleure compréhension du processus de planification multisectorielle au Burkina Faso, en faisant ressortir les étapes clés, les progrès, les défis et les perspectives. »  L’étude présente les dimensions essentielles du processus d’élaboration des politiques au moyen d’entretiens avec des informateurs clés (les étapes comprennent : 1. l’examen des politiques et l’analyse multisectorielle 2. la définition du problème et l’établissement du programme et 3. les étapes de la formulation du PSNM, ainsi que l’identification des acteurs clés au sein du gouvernement et du mouvement SUN au sens large, intégrant la société civile et le monde universitaire). Pour progresser, cette étude identifie comme priorités principales un financement soutenu ainsi que le suivi et l’évaluation efficaces de cette politique. En ce qui concerne la diffusion de la réussite de ce processus dans la région de l’Afrique de l’Ouest, le Dr Ouedraogo espère que « …les leçons apprises…pourront améliorer le processus de planification multisectorielle de la nutrition dans d’autres pays SUN et orienter la conception d’études similaires ».

Bien que les politiques soient le plus souvent définies au niveau national, le potentiel de réussite est considérable lorsqu’il existe une maîtrise locale des priorités en matière de nutrition et de la planification des actions, car cela peut améliorer la couverture des interventions. Dans une autre étude récente (Planning Capacity, Determinants, and Challenges of Integrating Multisectoral Nutrition into Communal Development Plans in Burkina Faso), le Dr Ouedraogo et ses collègues étudient les avantages et les défis de l’intégration de la politique multisectorielle de nutrition dans les plans communaux de développement (PCD). Au Burkina Faso, chaque commune ou municipalité est responsable de la création de son propre PCD. Cette étude analyse le processus de planification locale et constate que 60 % des PCD n’ont pas une bonne couverture nutritionnelle. Le Dr Ouedraogo a noté que « cette étude contribue à améliorer la connaissance des facteurs clés qui influencent le processus d’intégration de la nutrition dans les plans communaux de développement (PCD) grâce à l’analyse du niveau de couverture nutritionnelle, des déterminants de l’intégration et des défis. Cette étude pourra éclairer les discussions et la conception de stratégies visant à améliorer le niveau de prise en compte de la nutrition dans le cadre des PCD. Cela pourrait également guider la conception d’études similaires dans d’autres pays. »

Outre les recherches sur les politiques en matière de nutrition, de nouvelles données factuelles ont été dégagées de différentes interventions en matière de nutrition au Burkina Faso.

Une première étude évalue l’impact sur la malnutrition aiguë de l’enfant de l’intégration d’un paquet de nutrition préventive dans le dépistage de la malnutrition aiguë au cours des consultations de santé du nouveau-né dans les établissements de santé (Impact on child acute malnutrition of integrating a preventive nutrition package into facility-based screening for acute malnutrition during well-baby consultation: A cluster-randomized controlled trial in Burkina Faso). Le Dr. Lieven Huybregts, auteur, explique : « La gestion par la communauté de la malnutrition aiguë est largement reconnue comme un programme efficace de lutte contre la malnutrition aiguë chez l’enfant. Cependant, dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, son efficacité est entravée par un traitement médiocre et une couverture insuffisante du dépistage. Au Burkina Faso, une étude dirigée par l’IFPRI (en collaboration avec Hellen Keller International) a révélé que la couverture du dépistage de la malnutrition aiguë était considérablement renforcée par l’offre de services préventifs supplémentaires lors de consultations systématiques de santé du nouveau-né organisées dans les services de santé primaires. Cependant, une couverture plus élevée du dépistage ne s’est pas traduite par une couverture plus élevée du traitement et, finalement, n’a pas entraîné une diminution du nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë, ce qui suggère que les bénéficiaires se heurtent à d’importants obstacles pour initier ou respecter un calendrier de traitement ». Pour plus d’informations sur cette intervention, lisez cet article de blog.

Une autre étude pertinente explore l’utilisation de la modélisation par équation structurelle pour comprendre les facteurs qui contribuent à l’anémie chez les jeunes enfants burkinabés (Using structural equation modelling to understand the contributors to anaemia among young Burkinabe children). L’auteur Lily Bliznashka explique : « L’anémie est presque universelle chez les enfants d’âge préscolaire au Burkina Faso, et seules de petites réductions ont été réalisées au cours de la dernière décennie. Cette étude publiée dans Maternal & Child Nutrition examine les déterminants de l’anémie chez les jeunes enfants burkinabés et identifie des points d’entrée potentiels pour de futures interventions visant à réduire l’anémie. Les résultats montrent que la carence en fer, le paludisme et l’inflammation sont les principaux responsables de l’anémie chez l’enfant dans l’échantillon étudié, la carence en fer y contribuant moins que prévu. Les points d’entrée potentiels d’intervention identifiés par l’étude incluent l’amélioration du niveau de fer et de vitamine A des enfants ; des pratiques des mères en matière de santé, d’hygiène et de paludisme ; de la diversité alimentaire des ménages ; et de l’identification et du traitement précoces du paludisme. L’étude souligne qu’il est important de s’attaquer aux multiples déterminants de l’anémie spécifiques au contexte pour réduire l’anémie chez les jeunes enfants burkinabés ».

D’autres publications portent sur des interventions à la fois sensibles et spécifiques à la nutrition, visant à réduire la malnutrition infantile par le biais de l’autonomisation des femmes (Is women’s empowerment a pathway to improving child nutrition outcomes in a nutrition-sensitive agriculture program?: Evidence from a randomized controlled trial in Burkina Faso), des jardins scolaires (Impact of school gardens and complementary nutrition education in Burkina Faso), ou une variation de la dose d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (Impact of reduced dose of ready-to-use therapeutic foods in children with uncomplicated severe acute malnutrition: A randomised non-inferiority trial in Burkina Faso). Avec ces données factuelles de haute qualité sur les stratégies et les actions en matière de nutrition, le Burkina Faso est en passe de devenir un chef de file pour la région de l’Afrique de l’Ouest.