Revues rapides

Post de blog rédigé par Dr Andrew Booth, Université de Sheffield, septembre 2021.

Lorsqu’il faut procéder à un examen urgent des travaux de recherche pour éclairer la prise de décision et que le temps et les ressources font défaut, la méthodologie de la revue rapide peut convenir.

Transform Nutrition West Africa a utilisé cet outil pour faire la synthèse des données probantes sur la nutrition dans la région. En collaboration avec des experts en méthodologie de revue, le projet a développé et compilé les procédures, modèles et ressources appropriées requises à la réalisation d’une revue rapide, en une banque de ressources. Dans cette publication, Dr Andrew Booth, un expert de haut niveau en méthodologie de revue, de l’Université de Sheffield présente les informations nécessaires pour réaliser une revue rapide.

 

 

Temps de lecture : 7 minutes

Qu’est-ce qu’une revue rapide ?

« Une revue rapide est une forme de synthèse de connaissances qui accélère le processus de réalisation d’une revue systématique classique (conventionnelle) par la rationalisation ou l’exclusion de méthodes spécifiques permettant de produire des données probantes scientifiques pour les parties prenantes d’une manière efficiente » (Hamel et coll., 2020).

Les méthodes utilisées dans une revue rapide sont celles de la revue systématique, mais pour accélérer un processus spécifiquement long, ces revues se basent sur des procédures prédéterminées, des descriptions standardisées et des modèles réutilisables. Les revues rapides utilisent souvent des logiciels qui allègent le travail et des documents de revues antérieures, adaptés à chaque revue. En résumé, le travail de réflexion détaillé sur la conception et la réalisation de la revue est anticipé, de sorte que l’équipe en charge de la revue « démarre sur les chapeaux de roues. »

Les revues rapides ne sont pas seulement caractérisées par la rapidité de leur production. Le degré d’interaction avec les parties prenantes dont dépend la réalisation d’un produit adapté aux besoins des commanditaires et des utilisateurs auxquels le travail est destiné est également important. Du fait que les revues rapides rationalisent ou excluent les méthodes utilisées dans d’autres types de revues, pour accélérer le processus et réduire les coûts, une relation de confiance et une bonne communication doivent être établies entre l’équipe en charge de la revue et les commanditaires. Pour assurer la transparence, ces changements et exclusions doivent être documentés en détail (Hamel et coll., 2021) et l’équipe en charge de la revue doit décrire toutes les implications pour garantir la confiance concernant le produit final. À cet égard, il est important de distinguer la revue rapide de la revue exploratoire et de la cartographie systématique, bien que les termes soient souvent utilisés de manière interchangeable. La revue exploratoire et la cartographie systématique peuvent être réalisées sur de longues périodes et servent de base aux travaux de recherche de suivi établis sur une longue durée. La revue rapide exploite souvent les processus utilisés dans la cartographie systématique et la revue exploratoire pour cibler de manière efficiente des ressources en temps et en personnes limitées.

Comment les revues rapides permettent-elles d’appuyer les décideurs dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ?

Les revues rapides sont utiles lorsque (Tricco et coll., 2017) :

  • Les décideurs doivent apporter une solution à un problème urgent ou prendre une décision dans un délai plus court que celui requis pour la réalisation d’une revue systématique (12 à 14 mois).
  • Les ressources ne sont pas disponibles pour financer une revue systématique complète, mais qu’une réponse limitée basée sur des données probantes soit requise.
  • Les décideurs ont besoin d’une réponse provisoire pour éclairer les mesures à prendre, en attendant la production d’une revue systématique complète.
  • La prise de décision s’effectue dans le contexte d’une situation à évolution rapide comme une situation d’urgence ou de pandémie et/ou une situation dans laquelle le volume ou le contenu des données probantes existantes pourrait changer rapidement.
  • Les décideurs souhaitent prendre connaissance rapidement des domaines d’incertitude avant de poursuivre avec des travaux de recherche ou une action politique ultérieure.
  • Les décideurs ne sont pas surs de l’existence de données probantes suffisantes sur un thème pouvant justifier une revue systématique.

Quelle est la différence entre une revue rapide et une revue systématique ?

La revue rapide fait référence à une méthodologie rigoureuse et ciblée à part entière. Les revues rapides partent de modèles de revue systématique adaptés à un créneau de prise de décision spécifique. Les revues rapides doivent utiliser les mêmes techniques de synthèse des connaissances requises par une revue systématique. Elles sont typiquement conduites par une équipe de chercheurs expérimentés, compétents et bien informés des raccourcis et de leurs implications. Les revues rapides sont généralement produites par des centres académiques, des programmes de développement et des entités publiques spécialisés dans ce type de revue ou évoluant dans un portefeuille mixte.

La dénomination « revue rapide » ne doit pas être utilisée pour justifier un manque de rigueur dans la réalisation d’une revue. Ce type de revue ne doit pas non plus être réalisé lorsque le temps et les ressources sont disponibles pour conduire une revue systématique.

Comment réaliser une revue rapide et produire le rapport de revue ?

Dans la réalisation d’une revue rapide, vous produirez deux documents principaux : (1) le protocole de revue et (2) le rapport de revue. Des normes basées sur les procédures de revue systématique existent pour les deux types de documents. PRISMA-P (http://www.prisma-statement.org/Extensions/Protocols.aspx) liste les exigences relatives à la production d’un protocole, accompagnées d’exemples et d’une liste de contrôle permettant de suivre la conformité d’un document aux spécifications. PRISMA (http://www.prisma-statement.org/PRISMAStatement/) offre les mêmes trois composantes pour une version finale de revue. Du fait que le protocole correspondra à la section méthodes de la version finale de la revue, certaines équipes de revue utilisent un modèle combiné de protocole/revue pour respecter la cohérence et accélérer le processus.

Un projet de recueil de recommandations pour les revues rapides est en préparation (PRISMA-RR), mais pour le moment, la meilleure approche consiste à suivre les recommandations pour la production de rapports de PRISMA-P/PRISMA et présenter une description des contraintes découlant de la rationalisation ou de l’exclusion de méthodes. Si l’objet initial de la revue rapide est l’exploration ou la cartographie, vous pouvez suivre les recommandations spécifiques de PRISMA-ScR (revue exploratoire) (http://www.prisma-statement.org/Extensions/ScopingReviews).

La Banque de ressources de revues rapides de Transform Nutrition West Africa propose un processus en dix étapes facilement explorables pour guider le chercheur et le décideur dans la réalisation d’une revue rapide. La Banque de ressources de revues rapides de TNWA fournit des informations plus détaillées sur la question. Elle propose également un ensemble de huit modèles utiles pour guider les différentes étapes du processus.

En outre, le Groupe méthodologique des revues rapides Cochrane a actuellement produit 26 recommandations (R1–26) organisées autour des 7 étapes de la revue rapide (Garrity et coll., 2021). Cette source propose des informations détaillées supplémentaires sur les méthodes résumées ci-dessous.

Approche par étape de la conduite d’une revue rapide (Banque de ressources de revue rapide de TNWA)

[Plus d’informations]

Étape 1 : Choix et affinement de la question de recherche et étape 2 : Définition de la question de recherche

Une revue rapide bien menée inclura les parties prenantes principales (les utilisateurs de la revue, par exemple les consommateurs, les professionnels de la santé, les décideurs et les responsables de politiques) pour définir et affiner la question de recherche, les critères d’inclusion et les résultats d’intérêt. La consultation avec les parties prenantes doit se poursuivre pendant toute la durée de la revue, en particulier lorsque des changements sont proposés (R1).

Étape 3 : Protocole

Le protocole doit documenter les questions de la revue, les composantes des questions et les critères d’inclusion et d’exclusion. Vous devriez être en mesure de modifier et d’adapter le protocole publié (R23, R24) en réponse à toutes les modifications spécifiques (R25)

Étape 4 : Détermination des critères d’inclusion

Les parties prenantes principales doivent aider l’équipe de la revue à décider de ce qui doit être inclus et déterminer le nombre gérable d’interventions (R2) et de comparateurs (R3). De même, la revue doit mettre l’accent sur les résultats les plus importants à la prise de décision (R4). Les restrictions liées aux dates doivent dans l’idéal, avoir une justification méthodologique ou clinique (R5), comme toutes les restrictions liées au contexte (R6). Les revues doivent exclusivement utiliser, par défaut, l’anglais, la langue de la communication scientifique et ensuite d’autres langues, si nécessaire (R7). La réutilisation des données collectées pour des revues systématiques existantes peut permettre de gagner du temps (R8), car offrant la possibilité de mettre l’accent sur des travaux de recherche dont les plans d’études sont de grande qualité (revues systématiques ou essais contrôlés randomisés). Toute charge de travail supplémentaire associée aux plans d’étude supplémentaires doit faire l’objet de discussion avec l’équipe et les commanditaires (R9).

Étape 5 : Recherche de données probantes

L’équipe doit comporter un spécialiste de l’information pouvant apporter une réponse rigoureuse, en temps utile. Le nombre de bases de données principales (Cochrane CENTRAL, MEDLINE [via PubMed] et Embase si elles sont disponibles, pour les essais cliniques) (R10) peut être limité et l’équipe peut opter pour effectuer les recherches sur une ou deux bases de données spécialisées (par exemple PsycInfo et CINAHL) pour des questions particulières et les exclure si le temps et les ressources ne le permettent pas (R11). Au moins une stratégie de recherche (MEDLINE, par exemple) doit être revue par les pairs pour déceler les problèmes liés à la terminologie et à la logique de recherche (R12). La littérature grise et la recherche supplémentaire ne doivent être utilisées qu’au cas où la recherche concerne des documents difficiles à trouver (R13). Les logiciels de revue systématique en ligne (Covidence, DistillerSR ou EPPI-Reviewer) peuvent être utilisés pour rationaliser le processus (R26). Si le temps le permet, après avoir examiné les résumés et les textes intégraux, l’équipe devrait effectuer une recherche dans les inscriptions et examiner les références bibliographiques d’autres revues systématiques ou d’autres études faisant partie de la recherche.

Étape 6 : Examen et sélection d’études

Un formulaire standardisé pour l’examen des titres et des résumés doit être piloté par toute l’équipe sur les mêmes 30 à 50 résumés. Deux chercheurs examinent en binôme un minimum de 20 % des résumés pour apporter des solutions à toutes les contradictions. Un chercheur examine alors les résumés restants et un second examine tous les résumés exclus pour confirmer ou non les exclusions (R14).

L’examen des textes intégraux utilise également un formulaire standardisé d’examen piloté sur 5 à 10 articles en texte intégral par toute l’équipe. Un chercheur examine la totalité des articles en texte intégral inclus, pendant qu’un autre examine ceux exclus (R15).

Étape 7 : Extraction de données

Un seul chercheur traite le formulaire d’extraction de données, un second vérifie l’exactitude et l’exhaustivité (R16). L’extraction des données peut être limitée à un ensemble de données (R17). Les données extraites auparavant et utilisées dans des revues systématiques peuvent être réutilisées, pour réduire le temps consacré à l’extraction des données (R18).

Étape 8 : Évaluation de la qualité

Un outil valide d’évaluation des risques de biais (s’il est disponible) doit être utilisé pour évaluer la qualité. Un chercheur doit noter le risque de biais et le fait vérifier par un second chercheur (R19). Les notations du risque de biais peuvent mettre l’accent sur les résultats les plus importants à la prise de décision (R20).

Étape 9 : Synthèse des connaissances

La méthode de synthèse par défaut sera la synthèse descriptive (utilisation de texte, de tableaux et de graphiques pour la présentation). Les méthodes de méta-analyse acceptées pourraient également être appropriées (R21). Un seul chercheur peut évaluer le degré de certitude des données probantes, à la condition que tous les jugements (justifications accompagnées de notes de bas de page) soient vérifiés par un second chercheur (R22).

Étape 10 : Production de rapport et dissémination

Bien qu’au cours du processus de réalisation de la revue rapide le public ciblé et l’objectif doivent être gardés en ligne de mire, l’identification de l’utilisateur final et des canaux de diffusion appropriés sont également importants pour la production du rapport de la revue rapide. Tandis qu’il est possible de publier la revue rapide sous la forme d’un article de journal scientifique examiné de manière formelle par des pairs, il est également probable que l’accent soit mis sur la production d’un rapport mieux adapté aux besoins, plus accessible et plus rapidement disponible pour ceux qui travaillent dans le domaine d’intérêt.

Que faut-il de plus ?

Il n’est pas suffisant, bien sûr, de se contenter de suivre les étapes décrites dans un livre de « recettes » de revue rapide – un temps suffisant, des compétences en recherche et une expertise en gestion de projets sont également nécessaires. Dans Cochrane, nous avons créé l’acronyme RETREAT pouvant servir de moyen mnémotechnique pour garder en mémoire les éléments requis (Noyes et coll., 2021). Dans la « carrosserie » :

Question de recherche – Épistémologie (aperçu de la connaissance) – Public et objectif – Type de données

Nous insérons le « moteur » : Temps – Ressources – Expertise

Pendant plusieurs années, nous avons travaillé avec des chercheurs en Afrique pour renforcer la capacité de produire des revues (temps, ressources, expertise) en utilisant plusieurs techniques de formation. Parmi les techniques figurent la participation aux cours, l’apprentissage en ligne via des sessions de cours virtuels, le mentorat et les ateliers de résolution de problèmes spécifiques, proposés à l’université de Sheffield. Un animateur expérimenté est essentiel au travail avec les équipes locales dans un premier temps, ensuite un spécialiste de la méthodologie des revues, à travers des sessions de conseils pop-up, se chargera d’organiser leur apprentissage et leurs besoins en résolution de problèmes. Au fil du temps, les équipes sont devenues très compétentes et autonomes, les sessions sont devenues moins fréquentes, la production, plus rapide et le contenu des discussions, plus sophistiqué et avancé.

Meilleurs conseils pratiques

Meilleur conseil pratique 1 – Informez le commanditaire de la revue des décisions et changements majeurs concernant le plan de la revue.

Meilleur conseil pratique 2 – Lorsque vous publiez une revue rapide en article de journal scientifique, n’utilisez cette dénomination dans le titre que si des processus ont été rationnalisés ou exclus. Si une revue exploratoire intégrale, une cartographie systématique intégrale ou même une revue systématique intégrale a été produite rapidement, alors utilisez cette dénomination spécifique dans votre titre.

Meilleur conseil pratique 3 – Suivez les recommandations du Groupe méthodologique des revues rapides de Cochrane et restez informé des nouvelles méthodes, via leurs pages web : https://methods.cochrane.org/rapidreviews/cochrane-rr-methods

Meilleur conseil pratique 4 – Utilisez PRISMA-P et les documents PRISMA comme modèle pour structurer votre revue rapide.

Dr. Andrew Booth, Cochrane Qualitative and Implementation Methods Group, University of Sheffield: School of Health and Related Research (ScHARR) and Course Co-Lead ScHARR Rapid Reviews Course

 Références

Garritty, C., G. Gartlehner, B. Nussbaumer-Streit, V.J. King, C. Hamel, C. Kamel, L. Affengruber, and A. Stevens. 2021. “Cochrane Rapid Reviews Methods Group Offers Evidence-Informed Guidance to Conduct Rapid Reviews.” Journal of Clinical Epidemiology 130: 13–22.

Hamel, C., A. Michaud, M. Thuku, L. Affengruber, B. Skidmore, B. Nussbaumer-Streit, A. Stevens, and C. Garritty. 2020. “Few Evaluative Studies Exist Examining Rapid Review Methodology across Stages of Conduct: A Systematic Scoping Review.” Journal of Clinical Epidemiology 126: 131–40.

Hamel, C., A. Michaud, M. Thuku, B. Skidmore, A. Stevens, B. Nussbaumer-Streit, and C. Garritty. 2021. “Defining Rapid Reviews: A Systematic Scoping Review and Thematic Analysis of Definitions and Defining Characteristics of Rapid Reviews.” Journal of Clinical Epidemiology 129: 74–85.

Noyes, J., A. Booth, M. Cargo, K. Flemming, A. Harden, J. Harris, R. Garside, K. Hannes, T. Pantoja, and J. Thomas. 2021 [update]. “Chapter 21: Qualitative Evidence.” In Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions, Version 6.2., 525–545. https://training.cochrane.org/handbook/current/chapter-21.

Tricco, A.C., E.V. Langlois, and S.E. Straus. 2017. “Rapid Reviews to Strengthen Health Policy and Systems: A Practical Guide.” World Health Organization. Alliance for Health Policy and Systems Research. http://www.who.int/alliance-hpsr/resources/publications/rapid-review-guide/en/.

Verstraeten, R., L. Salm, and A. Booth, 2021. Transform Nutrition West Africa Rapid Reviews: A Resource Bank [interactive web page]. Dakar: International Food Policy Research Institute (IFPRI). https://www.ifpri.org/interactive/resourcebank